Aller au contenu

Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

instigateurs. Le ministre de la police crut devoir prévenir du fait le préfet de Rennes, qui était M. Mounier, célèbre orateur de l’Assemblée constituante. Par un hasard fort extraordinaire, le préfet reçut la dépêche le jour même où la conspiration devait éclater à Rennes pendant la parade, à midi, et il était déjà onze heures et demie !…

M. Mounier, auquel le ministre ne donnait aucun renseignement positif, crut qu’il ne pouvait mieux faire pour en obtenir que de s’adresser au chef d’état-major, en l’absence du général en chef. Il fait donc prier le général Simon de passer à son hôtel et lui montre la dépêche ministérielle. Le général Simon, croyant alors que tout est découvert, perd la tête comme un enfant, et répond au préfet qu’il existe en effet une vaste conspiration dans l’armée, que malheureusement il y a pris part, mais qu’il s’en repent ; et le voilà qui déroule tout le plan des conjurés, dont il nomme les chefs, en ajoutant que dans quelques instants, les troupes réunies sur la place d’Armes vont, au signal donné par le colonel Pinoteau, proclamer la déchéance du gouvernement consulaire !… Jugez de l’étonnement de M. Mounier, qui se trouvait d’ailleurs fort embarrassé en présence du général coupable qui, d’abord troublé, pouvait revenir à lui, et se rappeler qu’il avait quatre-vingt mille hommes sous ses ordres, dont huit à dix mille se réunissaient au moment même, non loin de la préfecture !… La position de M. Mounier était des plus critiques ; il s’en tira en habile homme.

Le général de gendarmerie Virion avait été chargé par le gouvernement de former à Rennes un corps de gendarmerie à pied, pour la composition duquel chaque régiment de l’armée avait fourni quelques grenadiers. Ces militaires, n’ayant aucune homogénéité entre eux,