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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/179

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CONSPIRATION DE RENNES.

échappaient par conséquent à l’influence des colonels de l’armée de ligne et ne connaissaient plus que les ordres de leurs nouveaux chefs de la gendarmerie, qui eux-mêmes, d’après les règlements, obéissaient au préfet. M. Mounier mande donc sur-le-champ le général Virion, en lui faisant dire d’amener tous les gendarmes. Cependant, craignant que le général Simon ne se ravisât et ne lui échappât pour aller se mettre à la tête des troupes, il l’amadoue par de belles paroles, l’assurant que son repentir et ses aveux atténueront sa faute aux yeux du premier Consul, et l’engage à lui remettre son épée et à se rendre à la tour Labat, où vont le conduire les gendarmes à pied qui arrivaient dans la cour en ce moment. Voilà donc le premier moteur de la révolte en prison.

Pendant que ceci se passait à la préfecture, les troupes de ligne, réunies sur la place d’Armes, attendaient l’heure de la parade qui devait être celle de la révolte. Tous les colonels étaient dans le secret et avaient promis leur concours, excepté celui du 79e, M. Godard, qu’on espérait voir suivre le mouvement.

À quoi tiennent les destinées des empires !… Le colonel Pinoteau, homme ferme et déterminé, devait donner le signal, que son régiment, le 82e, déjà rangé en bataille sur la place, attendait avec impatience ; mais Pinoteau, de concert avec Fourcart, avait employé toute la matinée à préparer des envois de proclamations, et dans sa préoccupation, il avait oublié de se raser.

Midi sonne. Le colonel Pinoteau, prêt à se rendre à la parade, s’aperçoit que sa barbe n’est pas faite et se hâte de la couper. Mais pendant qu’il procède à cette opération, le général Virion, escorté d’un grand nombre d’officiers de gendarmerie, entre précipitamment dans sa chambre, fait saisir son épée, et lui déclarant qu’il est prisonnier, le fait conduire à la tour, où était déjà le