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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/204

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

être enterré à la ville ou à la campagne ? » Augereau répondit : « Je préfère la campagne, j’ai toujours aimé le grand air. » — « Eh bien, reprend le gendarme, en s’adressant à son témoin, tu le feras mettre à côté des deux que j’ai expédiés hier et avant-hier. » C’était peu encourageant, et tout autre qu’Augereau aurait pu en être ému. Il ne le fut pas ; mais résolu à défendre chèrement sa vie, il joua, comme on dit, si serré et si bien, que son adversaire, furieux de ne pouvoir le toucher, s’emporta et fit de faux mouvements, dont Augereau, toujours calme, profita pour lui passer son épée au travers du corps, en lui disant : « Vous serez enterré à la campagne. »

Le camp terminé, les carabiniers retournèrent à Saumur. Augereau y continuait paisiblement son service, lorsqu’un événement fatal le jeta dans une vie fort aventureuse.

Un jeune officier d’une grande naissance et d’un caractère très emporté, ayant trouvé quelque chose à redire dans la manière dont on faisait le pansage des chevaux, s’en prit à Augereau, et, dans un accès de colère, voulut le frapper de sa cravache, en présence de tout l’escadron. Augereau, indigné, fit voler au loin la cravache de l’imprudent officier. Celui-ci, furieux, mit l’épée à la main et fondit sur Augereau, en lui disant : « Défendez-vous ! » Augereau se borna d’abord à parer ; mais ayant été blessé, il finit par riposter, et l’officier tomba raide mort !

Le général comte de Malseigne, qui commandait les carabiniers au nom de Monsieur, fut bientôt instruit de cette affaire, et bien que les témoins oculaires s’accordassent à dire qu’Augereau, provoqué par la plus injuste agression, s’était trouvé dans le cas de légitime défense, le général, qui portait intérêt à Augereau, jugea convenable de le faire éloigner. Pour cela, il fit venir un cara-