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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/205

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BIOGRAPHIE D’AUGEREAU.

binier natif de Genève, nommé Papon, dont le temps de service expirait dans quelques jours, et l’invita à remettre sa feuille de route à Augereau, lui promettant de lui en faire délivrer plus tard une seconde. Papon consentit, et Augereau lui en témoigna toujours une vive reconnaissance. Augereau, arrivé à Genève, apprit que le conseil de guerre, nonobstant les déclarations des témoins, l’avait condamné à la peine de mort, pour avoir osé mettre l’épée à la main contre un officier !

La famille Papon faisait de grands envois de montres en Orient. Augereau résolut d’accompagner le commis qu’elle y envoyait, et se rendit avec lui en Grèce, dans l’archipel Ionien, à Constantinople et sur le littoral de la mer Noire. Il se trouvait en Crimée, lorsqu’un colonel russe, jugeant à sa belle prestance qu’il avait été militaire, lui offrit le grade de sergent. Augereau l’accepta, servit plusieurs années dans l’armée russe, que le célèbre Souwaroff commandait contre les Turcs, et fut blessé à l’assaut d’Ismaïloff. La paix ayant été faite entre la Porte et la Russie, le régiment dans lequel servait Augereau fut dirigé vers la Pologne ; mais celui-ci, ne voulant pas rester davantage parmi les Russes, alors à demi barbares, déserta et gagna la Prusse, où il servit d’abord dans le régiment du prince Henri ; puis sa haute taille et sa bonne mine le firent admettre dans le célèbre régiment des gardes du grand Frédéric. Il y était depuis deux ans, et son capitaine lui faisait espérer de l’avancement, lorsque le Roi, passant la revue de ses gardes, s’arrêta devant Augereau en disant : « Voilà un beau grenadier !… De quel pays est-il ? — Il est Français, Sire. — Tant pis ! répondit Frédéric, qui avait fini par détester les Français autant qu’il les avait aimés, tant pis ! car s’il eût été Suisse ou Allemand, nous en eussions fait quelque chose. »