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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/206

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Augereau, persuadé dès lors qu’il ne serait jamais rien en Prusse, puisqu’il le tenait de la propre bouche du Roi, résolut de quitter ce pays ; mais la chose était on ne peut plus difficile, parce que, dès que la désertion d’un soldat était signalée par un coup de canon, les populations se mettaient à sa poursuite pour gagner la récompense promise, et, le déserteur pris, on le fusillait sans rémission.

Pour éviter ce malheur et reconquérir sa liberté, Augereau, qui savait qu’un grand tiers des gardes, étrangers comme lui, n’aspirait qu’à s’éloigner de la Prusse, s’aboucha avec une soixantaine des plus courageux, auxquels il fit comprendre qu’en désertant isolément, on se perdrait, parce qu’il suffirait de deux ou trois hommes pour vous arrêter ; mais qu’il fallait partir tous ensemble, avec armes et munitions, afin de pouvoir se défendre. C’est ce qu’ils firent, sous la conduite d’Augereau. Ces hommes déterminés, attaqués en route par des paysans et même par un détachement de soldats, perdirent plusieurs des leurs, mais tuèrent plus d’ennemis, et gagnèrent, en une nuit, un petit pays appartenant à la Saxe et qui n’est qu’à dix lieues de Potsdam. Augereau se rendit à Dresde, où il donna des leçons de danse et d’escrime, jusqu’à l’époque de la naissance du premier Dauphin, fils de Louis XVI, naissance que le gouvernement français célébra en amnistiant tous les déserteurs, ce qui permit à Augereau non seulement de revenir à Paris, mais aussi de rentrer aux carabiniers, son jugement ayant été cassé, et le général de Malseigne le réclamant comme un des meilleurs sous-officiers du corps. Augereau avait donc recouvré son grade et sa position, lorsqu’en 1788, le roi de Naples, sentant le besoin de remettre son armée sur un bon pied, pria le roi de France de lui envoyer un certain nombre d’offi-