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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/227

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LA HOUSSAYE.

plusieurs maréchaux. Ce fut en s’y promenant avec ces derniers que l’Empereur, les entretenant de ses projets et de la manière dont il voulait soutenir sa dignité ainsi que la leur, fit présent à chacun d’eux de la somme nécessaire pour acquérir un hôtel à Paris. Le maréchal Augereau acheta celui de Rochechouart, situé rue de Grenelle-Saint-Germain, et qui sert à présent au ministère de l’instruction publique. Cet hôtel est superbe ; cependant le maréchal préférait le séjour de la Houssaye, où il tenait un fort grand état de maison ; car, outre ses aides de camp, qui y avaient chacun un appartement, le nombre des invités était toujours considérable. On y jouissait d’une liberté complète, et le maréchal laissait tout faire, pourvu que le bruit n’approchât pas de l’aile du château occupée par Mme la maréchale.

Cette excellente femme, toujours malade, vivait très retirée et paraissait rarement à table ou au salon ; mais lorsqu’elle y venait, loin de contraindre notre gaieté, elle se complaisait à l’encourager. Elle avait auprès d’elle deux dames de compagnie fort extraordinaires. La première portait constamment des habits d’homme et était connue sous le nom de Sans-gêne. Elle était fille d’un des chefs qui, en 1793, défendirent Lyon contre la Convention. Elle s’échappa avec son père ; ils se déguisèrent tous deux en soldats, et allèrent se réfugier dans les rangs du 9e régiment de dragons, où ils prirent des surnoms de guerre et firent campagne. Mlle Sans-gêne, qui joignait à la tournure et à la figure d’un homme un courage des plus mâles, reçut plusieurs blessures, dont une à Castiglione, où son régiment faisait partie de la division Augereau. Le général Bonaparte, souvent témoin des prouesses de cette femme intrépide, étant devenu premier Consul,