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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/229

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PROJET DE DESCENTE EN ANGLETERRE.

salle de l’Opéra : on ne vit jamais rien d’aussi magnifique. Le général du génie Samson en était l’ordonnateur ; les aides de camp des maréchaux en furent les commissaires chargés d’en faire les honneurs et de distribuer les billets. Tout Paris voulait en avoir ; aussi les aides de camp furent-ils assaillis de lettres et de demandes : je n’eus jamais autant d’amis ! Tout se passa dans l’ordre le plus parfait, et l’Empereur parut satisfait.

1805. — Nous terminâmes au milieu des fêtes l’année 1804, et commençâmes l’année 1805, qui devait être fertile en si grands événements.

Pour faire participer son armée à l’allégresse générale, le maréchal Augereau jugea convenable de se rendre à Brest, malgré les rigueurs de l’hiver, donnant des bals magnifiques et traitant successivement les officiers et même bon nombre de soldats. Dès les premiers jours du printemps, il revint à la Houssaye, en attendant le moment de la descente en Angleterre.

Cette expédition, qu’on traitait de chimérique, fut cependant sur le point d’aboutir. Une escadre anglaise de quinze vaisseaux environ croisant sans cesse dans la Manche, il devenait impossible de passer l’armée française en Angleterre sur des bateaux et péniches, qui eussent été coulés par le moindre choc de vaisseaux de haut bord ; mais l’Empereur pouvait disposer de soixante vaisseaux de ligne, tant français qu’étrangers, dispersés dans les ports de Brest, Lorient, Rochefort, Le Ferrol et Cadix. Il s’agissait de les réunir à l’improviste dans la Manche, d’y écraser par des forces immenses la faible escadre qu’y avaient les Anglais, et de se rendre ainsi maîtres du passage, ne fût-ce que pour trois jours.

Pour obtenir ce résultat, l’Empereur prescrivit à l’amiral Villeneuve, commandant en chef de toutes ces forces, de faire sortir simultanément des ports de France et