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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/308

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

ainsi composée et commandée qu’on allait opposer aux vainqueurs d’Italie, d’Égypte, de l’Allemagne et d’Austerlitz !… Il y avait folie ! mais le cabinet de Berlin, abusé par les victoires que le grand Frédéric avait obtenues avec des troupes mercenaires, espérait qu’il en serait encore de même ; il oubliait que les temps étaient bien changés !…

Le 6 octobre, le maréchal Augereau et le 7e corps quittèrent Francfort, pour se diriger, ainsi que toute la grande armée, vers les frontières de Saxe, déjà occupées par les Prussiens. L’automne était superbe ; il gelait un peu pendant la nuit, mais le jour nous avions un soleil brillant. Mon petit équipage était bien organisé ; j’avais pris un bon domestique de guerre, François Woirland, ancien soldat de la légion noire, vrai sacripant et grand maraudeur : mais ce sont là les meilleurs serviteurs en campagne ; car avec eux on ne manque jamais de rien. J’avais trois excellents chevaux, de bonnes armes, un peu d’argent ; je me portais très bien, je marchais donc gaiement au-devant des événements futurs !…

Nous nous dirigeâmes sur Aschaffenbourg, d’où nous gagnâmes Wurtzbourg. Nous y trouvâmes l’Empereur, qui fit défiler les troupes du 7e corps, dont l’enthousiasme était fort grand. Napoléon, qui possédait des notes sur tous les régiments, et qui savait en tirer très habilement parti pour flatter l’amour-propre de chacun d’eux, dit en voyant le 44e de ligne : « Vous êtes de tous les corps de mes armées celui où il y a le plus de chevrons ; aussi vos trois bataillons comptent-ils à mes yeux pour six !… » Les soldats enthousiasmés répondirent : « Nous vous le prouverons devant l’ennemi ! » Au 7e léger, presque tout composé d’hommes du bas Languedoc et des Pyrénées, l’Empereur dit : « Voilà les meilleurs marcheurs de l’armée ; on n’en voit jamais un seul en