Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
MARCHE SUR LA SAXE.

arrière, surtout quand il faut joindre l’ennemi ! » Puis il ajouta en riant : « Mais, pour vous rendre justice entière, je dois vous dire que vous êtes les plus criards et les plus maraudeurs de l’armée ! — C’est vrai, c’est vrai ! » répondirent les soldats, dont chacun avait un canard, une poule ou une oie sur son sac, abus qu’il fallait tolérer, car, comme je vous l’ai dit, les armées de Napoléon, une fois qu’elles étaient en campagne, ne recevaient de distributions que fort rarement, chacun vivant sur le pays comme il pouvait. Cette méthode présentait sans doute de graves inconvénients, mais elle avait un avantage immense, celui de nous permettre de pousser toujours en avant, sans être embarrassés de convois et de magasins, et ceci nous donnait une très grande supériorité sur les ennemis, dont tous les mouvements étaient subordonnés à la cuisson ou à l’arrivée du pain, ainsi qu’à la marche des troupeaux de bœufs, etc., etc.

De Wurtzbourg, le 7e corps se dirigea vers Cobourg, où le maréchal fut logé au palais du prince, dont toute la famille s’était éloignée à notre approche, excepté le célèbre feld-maréchal autrichien prince de Cobourg. Ce vieux guerrier, qui avait si longtemps combattu contre les Français, dont il appréciait le caractère, eut assez de confiance en eux pour les attendre. Cette confiance ne fut pas trompée, car le maréchal Augereau lui envoya une garde d’honneur, lui rendit avec empressement la visite qu’il en avait reçue, et prescrivit d’avoir les plus grands égards pour lui.

Nous n’étions plus éloignés des Prussiens, dont le Roi se trouvait à Erfurt. La Reine l’accompagnait et parcourait à cheval les rangs de l’armée, dont elle cherchait à exciter l’ardeur par sa présence. Napoléon, trouvant que ce rôle n’appartenait pas à une princesse, lança contre elle dans ses bulletins des observations fort bles-