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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/32

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

mémoire me sera toujours chère. Mlle Mongalvi recevait à Turenne quelques pensionnaires dont ma mère avait été l’une des premières ; elle proposa de me prendre chez elle pendant les quelques mois que durerait l’absence de ma mère. Celle-ci en référa à mon père, et son consentement étant arrivé, je partis et fus installé dans le pensionnat de demoiselles. — Quoi ? direz-vous, un garçon avec des jeunes filles ? Eh, oui !… Mais observez que j’étais un enfant très doux, paisible, obéissant, et n’ayant que huit ans.

Les pensionnaires entrées dans la maison de Mlle Mongalvi, depuis l’époque où ma mère en avait fait partie, étaient des jeunes personnes de seize à vingt ans ; les plus jeunes avaient au moins quatorze ans, et étaient assez raisonnables pour qu’on pût m’admettre parmi elles.

À mon arrivée, tout le petit troupeau féminin accourut au-devant de moi et me reçut avec de tels cris de joie et de si bonnes caresses, que je me félicitai dès le premier instant d’avoir fait ce voyage. Je me figurais d’ailleurs qu’il serait de peu de durée, et je crois même que je regrettais intérieurement de n’avoir que peu de temps à passer avec ces bonnes jeunes demoiselles, qui me donnaient tout ce qui pouvait me faire plaisir, et se disputaient à qui me tiendrait par la main.

Cependant, ma mère partit et se rendit auprès de mon oncle. Les événements marchaient avec rapidité. La Terreur ensanglanta la France. La guerre civile éclata dans la Vendée et la Bretagne. Il devint absolument impossible d’y voyager, de telle sorte que ma mère, qui ne devait passer que deux ou trois mois à Rennes, s’y trouva retenue malgré elle pendant plusieurs années. Mon père combattait toujours dans les Pyrénées et en Espagne, où sa capacité et son courage l’avaient élevé au grade de général de division. Entré dans le pension-