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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/320

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Iéna se retiraient dans une déroute complète sur la route de Weimar, aux portes de laquelle les fuyards, leur artillerie et leurs bagages étaient accumulés, lorsque apparurent tout à coup les escadrons de la cavalerie française !… À leur aspect, la terreur se répand dans la cohue prussienne ; tout fuit dans le plus grand désordre, laissant en notre pouvoir un grand nombre de prisonniers, de drapeaux, de canons et de bagages.

La ville de Weimar, surnommée la nouvelle Athènes, était habitée à cette époque par un grand nombre de savants, d’artistes et de littérateurs distingués, qui s’y réunissaient de toutes les parties de l’Allemagne, sous le patronage du duc régnant, protecteur éclairé des sciences et des arts. Le bruit du canon, le passage des fuyards, l’entrée des vainqueurs émurent vivement cette paisible et studieuse population. Mais les maréchaux Lannes et Soult maintinrent le plus grand ordre, et, sauf la fourniture des vivres nécessaires à la troupe, la ville n’eut à souffrir d’aucun excès. Le prince de Weimar servait dans l’armée prussienne ; son palais, dans lequel se trouvait la princesse son épouse, fut néanmoins respecté, et aucun des maréchaux ne voulut y loger.

Le quartier du maréchal Augereau fut établi aux portes de la ville, dans la maison du chef des jardins du prince. Tous les employés de cet établissement ayant pris la fuite, l’état-major, ne trouvant rien à manger, fut réduit à souper avec des ananas et des prunes de serre chaude ! C’était par trop léger pour des gens qui, n’ayant rien pris depuis vingt-quatre heures, avaient passé la nuit-précédente sur pied, et toute la journée à combattre !… Mais nous étions vainqueurs, et ce mot magique fait supporter toutes les privations !…

L’Empereur retourna coucher à Iéna, où il apprit un succès non moins grand que celui qu’il venait de rem-