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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/331

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LE BANQUIER ROTHSCHILD.

mais l’Empereur s’opposa à cet acte de violence, le jugeant inefficace. On eut alors recours à un moyen fort peu honorable. Ne pouvant vaincre la résistance du banquier, on espéra le gagner par l’appât du gain. On lui proposa de lui laisser la moitié du trésor s’il voulait livrer l’autre à l’administration française ; celle-ci lui donnerait un récépissé de la totalité, accompagné d’un acte de saisie, prouvant qu’il n’avait fait que céder à la force, ce qui le mettrait à l’abri de toute réclamation ; mais la probité du Juif fit encore repousser ce moyen, et, de guerre lasse, on le laissa en repos.

Les quinze millions restèrent donc entre les mains de Rothschild depuis 1806 jusqu’à la chute de l’Empire, en 1814. À cette époque, l’Électeur étant rentré dans ses États, le banquier francfortois lui rendit exactement le dépôt qu’il lui avait confié. Vous figurez-vous quelle somme considérable avait dû produire dans un laps de temps de huit années un capital de quinze millions, entre les mains d’un banquier juif et francfortois ?… Aussi est-ce de cette époque que date l’opulence de la maison des frères Rothschild, qui durent ainsi à la probité de leur père la haute position financière qu’ils occupent aujourd’hui dans tous les pays civilisés.

Mais il faut reprendre le récit que cet épisode avait suspendu.

L’Empereur, logé au palais de Berlin, passait tous les jours en revue les troupes qui arrivaient successivement dans cette ville, pour marcher de là sur l’Oder à la poursuite des ennemis. Ce fut pendant le séjour de Napoléon dans la capitale de la Prusse qu’il accomplit le beau trait de magnanimité si connu, en accordant à la princesse de Hatzfeld la grâce de son mari, qui avait accepté les fonctions de bourgmestre de Berlin et se servait des facilités que lui donnait cet emploi pour informer les