Aller au contenu

Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

généraux prussiens des mouvements de l’armée française, conduite qui chez tous les peuples civilisés est traitée d’espionnage et punie de mort. La générosité dont l’Empereur fit preuve à cette occasion produisit un très bon effet sur l’esprit du peuple prussien.

Pendant notre séjour à Berlin, je fus très agréablement surpris de voir arriver mon frère Adolphe, que je croyais à l’île de France. En apprenant la reprise des hostilités sur le continent, il avait demandé et obtenu du général Decaen, commandant des troupes françaises aux Indes orientales, l’autorisation de revenir en France, d’où il s’était empressé de joindre la grande armée. Le maréchal Lefebvre avait offert à mon frère de le prendre auprès de lui ; mais celui-ci, par suite d’un calcul erroné, préféra servir à la suite de l’état-major d’Augereau, dont je faisais partie, ce qui devait nous nuire à tous les deux.

Je fis encore à Berlin une rencontre non moins imprévue. Je me promenais un soir avec mes camarades sur le boulevard des Tilleuls, lorsque je vis venir à moi un groupe de sous-officiers du 1er de housards. L’un d’eux s’en détacha et vint en courant me sauter au cou. C’était mon ancien mentor, le vieux Pertelay, qui pleurait de joie en disant : « Te voilà, mon petit !… » Les officiers avec lesquels je me trouvais furent d’abord très étonnés de voir un maréchal des logis aussi familier avec un lieutenant ; mais leur surprise cessa, lorsque je leur eus fait connaître mes anciennes relations avec ce vieux brave, qui, ne pouvant se lasser de m’embrasser, disait à ses camarades : « Tel que vous le voyez, c’est cependant moi qui l’ai formé ! » Et le bonhomme était réellement persuadé que je devais à ses leçons ce que j’étais devenu. Aussi, dans un déjeuner que je lui offris le lendemain, m’accabla-t-il des conseils les plus bouffons,