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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/358

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Davout arrivant par Molwitten et marchant sur Serpallen, dont il chassa la gauche des Russes, qu’il refoula jusqu’à Klein-Sausgarten.

Le maréchal russe Benningsen, voyant sa gauche battue et ses derrières menacés par l’audacieux Davout, résolut de l’écraser en portant une grande partie de ses troupes contre lui. Ce fut alors que Napoléon, voulant empêcher ce mouvement en faisant une diversion sur le centre des ennemis, prescrivit au maréchal Augereau d’aller l’attaquer, bien qu’il prévît la difficulté de cette opération. Mais il y a sur les champs de bataille des circonstances dans lesquelles il faut savoir sacrifier quelques troupes pour sauver le plus grand nombre et s’assurer la victoire. Le général Corbineau, aide de camp de l’Empereur, fut tué auprès de nous d’un coup de canon, au moment où il portait au maréchal Augereau l’ordre de marcher. Ce maréchal, passant avec ses deux divisions entre Eylau et Rothenen, s’avança fièrement contre le centre des ennemis, et déjà le 14e de ligne, qui formait notre avant-garde, s’était emparé de la position que l’Empereur avait ordonné d’enlever et de garder à tout prix, lorsque les nombreuses pièces de gros calibre qui formaient un demi-cercle autour d’Augereau lancèrent une grêle de boulets et de mitraille telle, que de mémoire d’homme on n’en avait vu de pareille !…

En un instant, nos deux divisions furent broyées sous cette pluie de fer ! Le général Desjardins fut tué, le général Heudelet grièvement blessé. Cependant on tint ferme, jusqu’à ce que le corps d’armée étant presque complètement détruit, force fut d’en ramener les débris auprès du cimetière d’Eylau, sauf toutefois le 14e de ligne qui, totalement environné par les ennemis, resta sur le monticule qu’il occupait. Notre situation était d’autant plus fâcheuse qu’un vent des plus violents nous