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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/87

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LA CLIQUE.

haut, se dresse sur son séant d’un air menaçant… mais mon mentor s’élance entre lui et moi. Tous les canonniers qui se trouvent dans le jardin prennent aussitôt parti pour leur camarade, mais une foule de housards viennent se ranger auprès de Pertelay et de moi. On s’échauffe, on crie, on parle tous à la fois, je crus qu’il y allait avoir une mêlée générale ; cependant, comme les housards étaient au moins deux contre un, ils furent les plus calmes. Les artilleurs comprirent que s’ils dégainaient, ils auraient le dessous, et l’on finit par faire comprendre au géant qu’en frôlant son pied du bout de mon sabre, je ne l’avais nullement insulté, et que l’affaire devait en rester là entre nous deux ; mais comme, dans le tumulte, un trompette d’artillerie d’une vingtaine d’années était venu me dire des injures, et que dans mon indignation je lui avais donné une si rude poussée qu’il était allé tomber la tête la première dans un fossé plein de boue, il fut convenu que ce garçon et moi, nous nous battrions au sabre.

Nous sortons donc du jardin, suivis de tous les assistants, et nous voilà auprès du rivage de la mer, sur un sable fin et solide, disposés à ferrailler. Pertelay savait que je tirais passablement le sabre ; cependant il me donne quelques avis sur la manière dont je dois attaquer mon adversaire, et attache la poignée de mon sabre à ma main avec un gros mouchoir qu’il roule autour de mon bras.

C’est ici le moment de vous dire que mon père avait le duel en horreur, ce qui, outre ses réflexions sur ce barbare usage, provenait, je crois, de ce que dans sa jeunesse, lorsqu’il était dans les gardes du corps, il avait servi de témoin à un camarade qu’il aimait beaucoup et qui fut tué dans un combat singulier dont la cause était des plus futiles. Quoi qu’il en soit, lorsque mon père pre-