Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/154

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Lorulot était un drôle de colon.

Un après-midi d’été, par une chaleur suffocante, la colonie était au travail, les camarades suaient, geignaient. L’un d’eux, soudain demanda :

— Ah çà ! Où est donc Lorulot ?

On appela. Pas de réponse.

L’inquiétude gagna les colons. Lui serait-il arrivé malheur ? On se mit à sa recherche. Bientôt on le retrouva à califourchon sur une branche d’arbre tout en haut, sur le faîte. Il lisait tranquillement des vers. Mais le plus étrange, c’est qu’il était entièrement nu, nu comme un ver. Les camarades interloqués l’interpellèrent.

Lorulot laissa tomber son regard sur ceux qui criaient vers lui.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— Tu es donc fou ?

Lorulot, sans se démonter, expliqua :

— Comment, vous ne voyez pas… Je prends un bain de soleil.

Et, doctrinal :

— Si vous n’étiez pas des ignares, vous devriez savoir que les anarchistes dignes de ce nom, prennent des bains de soleil.

Là-dessus la voix d’un grincheux s’éleva :

— Nous, pendant ce temps, nous prenons des bains de sueur.

Alors Lorulot, péremptoire :

— Naturellement. Vous, vous êtes les bras… travaillez… Moi, je suis le cerveau… je pense.