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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL.

Le Recteur.

Pourquoi donc, Anton Antonovitch, pourquoi donc un inspecteur général ?

Le Gouverneur.

Que voulez-vous, c’est un jugement de Dieu. (Il soupire.) Jusqu’à présent cela était tombé sur d’autres villes. C’est notre tour à présent.

Le Juge.

Je me figure, Anton Antonovitch, qu’il y a là-dessous quelque petit mystère… et de la politique encore. Savez-vous ce que cela veut dire ? La Russie… oui… elle veut faire la guerre, et le ministère, voyez-vous… Eh bien ! il envoie un fonctionnaire pour voir s’il n’y a pas quelque part des émissaires de l’ennemi.

Le Gouverneur.

Ah ! bien, oui ! Vous êtes malin ! des émissaires dans une ville de l’intérieur ! Est-ce que nous sommes sur la frontière, nous ? On voyagerait trois ans en partant d’ici qu’on n’arriverait pas à l’étranger.

Le Juge.

Et moi je vous dis… Vous ne… Non, vous… Le gouvernement a son plan… Il a beau être loin… il sait ce qu’il fait… il a la puce à l’oreille.

Le Gouverneur.

Puce ou non, Messieurs, je vous ai prévenus. Vous voilà avertis. En ce qui me regarde, j’ai pris quelques mesures ; faites-en autant, je vous le conseille. Vous surtout, Artemii Philippovitch. Sans doute notre inspecteur voudra voir tous vos établissements de bienfaisance. Aussi, vous ferez bien de vous arranger pour que tout soit sur un bon pied… qu’on ait des bonnets de coton blancs, et que les malades n’aient pas l’air de ramoneurs, comme d’habitude.