Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/202

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avez l'air d'une petite hypocrite. Mais c'est à moi de parler la première; nous vous confesseronsensuite.
DONA MARIA : Et qui aimes-tu ?
DONAFRANCISCA : Oh ! Mariquita, si tu étais amoureuse, tu choisirais sans doute un enfantde ton âge, un jeune officier sortant d'une école militaire; tu ne penserais qu'au bonheur d'êtremariée, et de te promener sur le port en donnant le bras à ton mari... Oui, cela doit être un grandplaisir. Mais il y a tel amour... aussi fort, plus fort même que le mariage... et où le mariage...(baissant la voix) est impossible.
DONAMARIA : Comment?
DONAFRANCISCA : Oui, Mariquita. Par exemple, on peut aimer un homme... marié. Si unhomme s'est marié par des circonstances... n'importe lesquelles... suffit qu'il n'a jamais aimé safemme... Elle est vieille, laide et méchante... Ou bien, supposons une femme toute jeune, sansexpérience, mariée à un vieillard... Ou bien... Mais ta vertu, à toi te dit que cela est mal.
DONAMARIA, vivement : Moi !... Ah ! Paquita, je crois que l'amour est quelquefois plus fortque toutes les lois Divines et humaines... L'amour vient, dit-on, on ne sait comment; et, quand ons'aperçoit qu'on aime, il n'est déjà plus temps de réfléchir si cela est bien ou mal !
DONAFRANCISCA : Tu dis cela, petit ange ! Que je t’embrasse encore pour ta gentillesse.Mais, dis-moi, qui t’a enseigné cela?
DONAMARIA : Mais... je l'ai entendu dire... Ainsi, tu aimes un homme marié ?
DONAFRANCISCA : Tu sais que je ne suis pas trop dévote; et les deux années que j'ai passéesen Angleterre m'ont appris qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre tout ce que les cagots nouscontent ici des hérétiques. —J'ai vu en Angleterre des prêtres qui ont des femmes et des enfants,et ce sont de très bons prêtres.
DONAMARIA : Eh bien ?
DONAFRANCISCA : Eh bien ! tu n'es pas encore sur la voie ?... Mais toutes ces routesdétournées sont inutiles