c’est parce que Manuel Torribio lui a dit que mes beaux yeux noirs étaient bien plus beaux que ses vilains yeux roux.
ANTONIO, de même. — Ses yeux noirs ! (Il met brusquement la main devant ses yeux). Seigneur Rafael, de grâce, continuez un instant l’interrogatoire !
RAFAEL, après avoir parcouru des papiers, d’une voix douce. — Mariquita, n’avez-vous pas passé vendredi, 15 août dernier, devant le plant d’oliviers de Juana Mendo en mangeant une grenade ?
MARIQUITA - Comment puis-je m’en souvenir ?
RAFAEL - Dites oui ou non.
MARIQUITA - Je crois que oui.
RAFAEL, lisant. — N’avez-vous pas jeté les pépins dans son plant, en agitant en l’air une baguette de noisetier ou autre bois, ayant deux bouts…
MARIQUITA, riant. -Voudriez-vous qu’elle n’en eût qu’un ?
RAFAEL - Songez devant qui vous êtes. -… Ayant deux bouts dépouillés de leur écorce ? Répondez.
MARIQUITA - Qu’est-ce que j’en sais ?
RAFAEL - Oui ou non ?
MARIQUITA - Eh bien ! oui.
RAFAEL - N’avez-vous pas chanté une chanson impie, où il est souvent parlé d’un certain Grain-d’orge ?
MARIQUITA, riant. — Ah, ah, ah ! seigneur licencié, de quoi me parlez-vous ? J’ai chanté une ballade anglaise, traduite par votre servante, qui l’a apprise d’un trompette de Mackay, dans l’armée de milord Peterborough. Elle est faite en effet sur la mort de Grain-d’orge.
DOMINGO - Qui, Grain-d’orge ? Un esprit des ténèbres ?
MARIQUITA - Ah, ah, ah ! Grain-d’orge veut dire grain d’orge, et la ballade chante de quelle manière avec des grains d’orge on fait de la bière que boivent les Anglais. Laissez-moi m’en aller, et je vous la chanterai, car vous avez l’air d’un bon enfant, et vous n’êtes pas comme celui-là. (Elle montre Antonio).
ANTONIO, les yeux fermés. — Il est difficile de supposer qu’il n’y ait pas un sens caché sous ce mot.