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INTRODUCTION XXXI


immédiatement à la suite de ces événements que le poète place sa fiction du Jugement dou Roy de Navarre, Le débat porte sur le même sujet que dans le Jugement dou Roy de Behaingne, avec la différence qu’ici la décision première est renversée et que le jugegement est placé dans la bouche du roi de Navarre. Or, c’est précisément en 1349 que ce prince qui n’avait pas encore vingt ans fut déclaré majeur par Jean le Bon et qu’il prit possession de son royaume. Le poème où Guillaume ne manque pas de chanter les louanges du « roi des Navarrois », est évidemment un hommage du poète au nouveau souverain. Quoique Machaut ne nous en dise rien, il y avait peut-être à ce moment déjà entre le jeune roi et notre Guillaume des rapports plus étroits de seigneur à serviteur. Ces relations remontent-elles, comme le pense M. A. Thomas[1], à l’année 1346, après la mort du roi Jean? C’est ce qu’on ne saurait, ni affirmer, ni nier avec certitude. Mais du moment que ce n’est pas nécessairement la mort du roi qui a rendu à Guillaume sa liberté, il n’y a pas lieu de dater de cet événement son entrée au service du roi de Navarre qui alors n’avait que 14 ans. Il nous paraît plus probable, d’accord en cela avec M. Suchier[2], d’admettre que ces rapports ne s’établirent pas avant 1349, alors que Charles devint roi de Navarre ; peut-être même furent-ils la conséquence du poème composé en son honneur. Machaut resta fidèle au roi pendant de longues années. Lorsqu’en 1356 Charles devint prisonnier du

  1. Romania, X, 829, n. i.
  2. Geschichte der franz. Lit., p. 235. M. Suchier songe aussi à 1353, année où Charles de Navarre devint le gendre de Jean le Bon ; mais la date du Jugement dou Roy de Navarre nous reporte plus haut.