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V
PRÉFACE

que d’Aristote, grecs, arabes, juifs, chrétiens acceptent cette doctrine jusqu’au jour où elle vient se heurter à la théologie catholique.

Dire que l’existence d’un espace vide est une contradiction logique, c’est dire que Dieu lui-même ne saurait réaliser cette existence, que tout mouvement dont le vide résulterait excède les bornes de sa toute-puissance ; Dieu, par exemple, ne pourrait donner un mouvement de translation à la sphère qui enclôt le Monde.

En 1277, l’évêque de Paris, Etienne Tempier, condamne cette proposition comme erronée ; et tout aussitôt, à Oxford comme à Paris, les maîtres de la Scolastique ébauchent une nouvelle théorie du vide. L’existence d’un espace vide, de dimensions sans corps, ne leur semble plus contradictoire ; Dieu pourrait la réaliser. Si jamais on ne rencontre un lieu vide de tout corps, c’est simplement parce que les forces naturelles empêchent qu’il ne soit produit. Non seulement tout corps, grave ou léger, écarté de son lieu naturel, tend à y revenir, comme le voulait Aristote, mais encore chaque corps tend à demeurer contigu au corps qui se déplace et marche devant lui, afin qu’aucun vide ne demeure entre celui qui précède et celui qui suit ; et cette tendance, plus puissante que la gravité ou la légèreté, contrariera au besoin ces dernières.

Cette doctrine, nous l’entendons exposer, dès la première moitié du xive siècle, par Jean de Dumbleton ; celui-ci assimile la tendance d’un corps à demeurer collé au corps qui le précède à la tendance par laquelle le fer adhère à l’aimant. Bien d’autres, après Jean de Dumbleton, reçoivent cette opinion ; au milieu du xvie siècle, Jules César Scaliger la développe avec complaisance.

Mais voici que les artisans ont remarqué l’impuissance où se trouve une pompe aspirante de soulever l’eau au-dessus de trente-deux pieds ; Salomon de Caus regarde cette observation comme de connaissance commune, et les fontainiers de Florence la soumettent à Galilée ; la tendance qu’ont les corps à demeurer contigus, l’horror vacui n’est donc pas toujours plus puissante que la gravite ; cette force-ci peut devenir assez grande pour vaincre celle-là ; c’est ce que Galilée n’hésite pas à affirmer.

En même temps que cette idée se fait jour, une autre pensée