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la rochefoucauld et la comtesse diane

La Rochefoucauld a bien senti la différence de ces divers sentiments et il a cherché à les distinguer : « L’amour, dit-il, prête son nom à un nombre infini de commerces qu’on lui attribue, et où il n’a non plus de part que le Doge à ce qui se fait à Venise » (77). — « Il n’y a que d’une sorte d’amour, mais il y en a mille différentes copies » (74). — Ailleurs il précise encore davantage : (( Ce qui se trouve le moins dans la galanterie, c’est de l’amour » (102). Toutefois il est entraîné par les mœurs de son temps comme par ses propres souvenirs, et, en général, ce qui se trouve le moins dans ses pensées sur l’amour, c’est de l’amour.

« Il y a, dit-il, des gens qui n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour » (136). Comment ! Colin et Babet ont besoin d’avoir entendu parler de l’amour pour se chercher sans cesse, pour trembler quand ils se retrouvent, et cependant pour ne se sentir heureux que quand ils sont ensemble ! L’amour est dans la nature et non dans la convention sociale ; il ne s’apprend pas, il se devine, parce qu’il se sent. Ce qui est de convention, ce qui a besoin d’être appris, c’est la galanterie ; c’est la forme différente que chaque siècle, chaque société, chaque coterie donne aux relations galantes entre les deux sexes[1] ;

  1. Il est curieux de rappeler en quels termes, au siècle suivant, Dubuisson critiquait Le Legs de Marivaux : « Il