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la rochefoucauld et la comtesse diane

« Ce qui se trouve le moins dans la galanterie, c’est de l’amour » (402) ; elle écrit à son tour : « La galanterie, c’est l’amour sans amour » (179). Au premier abord les deux maximes paraissent identiques : l’idée est la même, les mots sont les mêmes ; mais combien le sentiment diffère ! La Rochefoucauld constate froidement un fait qu’il juge piquant peut-être, mais qui lui semble tout naturel ; la Comtesse Diane laisse percer du mépris et de la pitié pour une faiblesse dépourvue de la passion qui en serait l’excuse, de la tendresse qui en ferait le charme. Sans doute ici chacun de nos deux auteurs suit la tendance de son sexe ; mais il obéit aussi au sentiment de son siècle. Au théâtre et dans le roman, quand nos contemporains étudient et décrivent l’amour, ils n’en font pas un caprice léger dont on reste le maître, dont on s’amuse quelque temps et que l’on abandonne avec aisance en s’attachant seulement à rester fidèle aux règles convenues de l’élégance et du bon ton ; pour eux, qu’il soit innocent ou coupable, qu’il pousse celui qui le subit au dévouement ou au crime, l’amour est toujours une passion sérieuse et redoutable qui envahit et domine malgré nous tout notre être.

La Comtesse Diane voit que l’amour est cruel et qu’il peut s’éteindre ; mais elle voit aussi que, quand on l’éprouve, on croit sincèrement qu’il ne s’éteindra jamais. Quand il dure, ce qui arrive