Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/202

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non moins funeste. Le jour des calendes de janvier, au moment où le prince montait les degrés du temple, le doyen des prêtres tomba sans avoir reçu de choc visible, et frappé de mort subite. Les assistants, par ignorance, ou pour faire leur cour, appliquaient le présage au plus âgé des deux consuls, c’est- à-dire à Salluste. Mais la suite fit trop voir que c’était, non le plus avancé en âge, mais le plus élevé en rang, que le fatal avertissement concernait.

(7) D’autres signes, bien que moins caractéristiques, confirmaient encore ce funeste présage. Au moment même où l’ouverture de la campagne fut déclarée, arriva la nouvelle d’un tremblement de terre qu’on avait ressenti à Constantinople ; et les adeptes en divination en tiraient un triste augure pour le chef de l’armée qui allait entrer en pays ennemi. On tâcha de persuader à Julien que le moment était mal choisi, et que s’il est permis de se mettre au-dessus des présages, c’est seulement dans le cas où, devant la menace d’une invasion étrangère, le salut commun devient la loi suprême, et ne comporte aucun ajournement. Dans le même temps, des lettres de Rome lui annonçaient que les livres sibyllins, consultés par son ordre, défendaient manifestement de passer la frontière cette année.

Chapitre II

(1) De tous côtés cependant lui arrivaient des ambassades, avec offres de secours. Julien leur faisait à toutes un gracieux accueil ; mais, dans sa généreuse confiance en ses propres ressources, il répondait uniformément que Rome savait venir en aide à ses amis et à ses alliés quand son intervention leur était nécessaire ; mais qu’il n’était pas de sa dignité d’employer leur assistance pour venger ses injures.

(2) Il avait cependant signifié à Arsace, roi d’Arménie, qu’il eût à tenir prêt un corps de troupes considérable, pour opérer de la manière et dans la direction qui lui seraient ultérieurement indiquées. Ses dispositions prises, il fit, dès les premiers jours du printemps, notifier à tous les corps l’ordre de départ, et, jaloux de devancer le bruit de sa marche, leur prescrivit de passer immédiatement l’Euphrate.

(3) Tout fut aussitôt en mouvement dans les différents quartiers ; et le fleuve franchi, les diverses positions occupées suivant les instructions, on attendit l’arrivée du chef. Julien, au moment de quitter Antioche, nomma au gouvernement de Syrie un certain Alexandre d’Héliopolis, esprit brouillon et caractère méchant : "L’homme, disait-il, n’est pas digne de la place ; mais les habitants d’Antioche méritent bien un tel gouverneur par leur insolence et leur cupidité."

(4) La foule l’entourait au moment de son départ, lui souhaitant un heureux voyage et un glorieux retour, et le suppliant de s’adoucir pour eux,et de se montrer à l’avenir plus bienveillant pour leur ville. Mais lui, dont le cœur était encore ulcéré de leurs sarcasmes, leur répondit très aigrement qu’ils le voyaient pour la dernière fois.

(5) Il s’était arrangé, disait-il, pour prendre à Tarse son quartier d’hiver après la campagne, et il y reviendrait par le plus court chemin. Mémorius, président de Cilicie, avait déjà reçu ses ordres pour les dispositions nécessaires. La parole de Julien ne s’accomplit que trop. C’est à Tarse, en effet, que son corps fut rapporté, et inhumé sans pompe dans un faubourg, en exécution de ses volontés dernières.

(6) La belle saison approchait. Il partit le 3 des