Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/204

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dans la direction qui lui seraient ultérieurement indiquées. Ses dispositions prises, il fit, dès les premiers jours du printemps, notifier à tous les corps l’ordre de départ, et, jaloux de devancer le bruit de sa marche, leur prescrivit de passer immédiatement l’Euphrate.

(3) Tout fut aussitôt en mouvement dans les différents quartiers ; et le fleuve franchi, les diverses positions occupées suivant les instructions, on attendit l’arrivée du chef. Julien, au moment de quitter Antioche, nomma au gouvernement de Syrie un certain Alexandre d’Héliopolis, esprit brouillon et caractère méchant : "L’homme, disait-il, n’est pas digne de la place ; mais les habitants d’Antioche méritent bien un tel gouverneur par leur insolence et leur cupidité."

(4) La foule l’entourait au moment de son départ, lui souhaitant un heureux voyage et un glorieux retour, et le suppliant de s’adoucir pour eux,et de se montrer à l’avenir plus bienveillant pour leur ville. Mais lui, dont le cœur était encore ulcéré de leurs sarcasmes, leur répondit très aigrement qu’ils le voyaient pour la dernière fois.

(5) Il s’était arrangé, disait-il, pour prendre à Tarse son quartier d’hiver après la campagne, et il y reviendrait par le plus court chemin. Mémorius, président de Cilicie, avait déjà reçu ses ordres pour les dispositions nécessaires. La parole de Julien ne s’accomplit que trop. C’est à Tarse, en effet, que son corps fut rapporté, et inhumé sans pompe dans un faubourg, en exécution de ses volontés dernières.

(6) La belle saison approchait. Il partit le 3 des nones de mars, et ne mit que le temps nécessaire au trajet pour arriver à Hiérapolis. Au moment où il passait sous les portes de cette grande ville, un portique, en s’écroulant à sa gauche, écrasa de ses débris cinquante soldats qui se trouvèrent dessous, et en blessa un plus grand nombre.

(7) Là il réunit son armée, et se porta sur la Mésopotamie avec une telle célérité (ce qui entrait dans ses plans), que l’Assyrie était déjà occupée avant même que le bruit de sa marche eût circulé. Renforcé d’un corps de Scythes, il passa lui-même l’Euphrate sur un pont de bateaux, et arriva à Batné, ville municipale de l’Osrhoène, où un accident funeste vint ajouter encore aux sinistres pressentiments.

(8) On a l’habitude en ce pays d’élever des amas de paille à une hauteur extraordinaire. Des valets de l’armée se hasardèrent en foule, et sans précaution, à entamer par la base. une de ces réserves ; et toute la masse, venant à s’ébouler, étouffa sous son poids une cinquantaine d’entre eux.

Chapitre IV

(1) Je me vois naturellement amené à décrire aussi exactement qu’il me sera possible, pour l’instruction de mes lecteurs, la forme et les effets des instruments de guerre dont je viens de parler. Commençons par la baliste.

(2) Un bâti solide maintient, fixe entre deux montants, une plaque d’une certaine largeur, dont la ligne médiane, parfaitement polie, se prolonge en un style carré, formant une sorte de timon. À la base de ce style, sillonné dans toute sa longueur d’une étroite rainure, se trouve assujetti un tortis composé d’un grand nombre de cordes à boyaux, et qui va être tendu par deux fortes vis en bois, dont chacune a une grosse tête saillante, et croisée d’un moulinet. Près de l’une de ces vis se tient le pointeur, qui surveille la manœuvre, et qui engage lestement dans la rainure une flèche de bois armée d’un fer pointu, de grande dimension. Placés à droite et à gauche de la baliste, des hommes vigoureux tournent aussitôt et vivement le double moulinet,

(3) dont le jeu donne une tension énorme au tortil, qui tire la flèche en arrière jusqu’à ce que le sommet de la pointe ferrée ait atteint, en reculant, les attaches du tortis fixé à la base du style. À ce moment précis l’action des moulinets a lâché la détente ; le tortis, brusquement