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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/205

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débandé, chasse à travers de la rainure la flèche, que fait quelquefois étinceler la rapidité de son mouvement ; et presque toujours on est frappé à mort avant d’avoir vu le trait.

(4) Voici comment s’établit le scorpion, qu’on appelle aujourd’hui onagre. On façonne à la plane deux ail de rouvre ou de chêne vert, auxquels on donne une légère courbure. Puis on les assemble comme pour une scie de long, de façon à ce qu’ils portent l’un contre l’autre par leurs extrémités, dont chacune a été percée d’avance de deux trous assez grands pour recevoir de fortes cordes destinées à consolider l’assemblage qu’elles traversent près des deux bouts, et qu’elles serrent puissamment.

(5) Entre ces cordes immobiles s’élève obliquement un style de bois, qui, à l’aide d’autres cordes, se hausse et se baisse à volonté, comme un timon de voiture, la base de ce style tournant autour d’un fort boulon : son sommet, garni d’un crochet de fer où se trouve solidement suspendue une fronde dont la cuiller est en fer ou simplement en cordes, peut parcourir une demi- circonférence. Quand le style s’abat sur le devant de l’appareil, il frappe un gros coussin rembourré de paille hachée menu, solidement attaché, et posé lui-même sur un tertre de gazon ou de briques ; car si l’appareil était soutenu par un mur de pierres, il en disjoindrait les assises non par son poids, mais par la violence des secousses.

(6) Quand le scorpion doit fonctionner, on charge la fronde d’un boulet de pierre : quatre hommes placés des deux côtés de la machine compriment, à l’aide de treuils et de cordes, d’énormes ressorts, et ramènent ainsi le style en arrière jusqu’à une position presque horizontale ; une clavette tient alors le tout en arrêt. Debout derrière le scorpion, le pointeur prend sa mire, puis, d’un coup de marteau bien appliqué, fait sauter la clavette ; le style s’échappe avec une violence qu’amortit le coussin ; mais la fronde a lancé son boulet, qui va tout briser sur sa route.

(7) Cette machine s’appelle tantôt "tormentum", de "torquere", "tordre", parce que l’effet qu’elle produit est en raison de la torsion qui fait la force des cordes ; et tantôt scorpion, parce que le style se termine en forme de dard. Enfin, de nos jours, on lui a donné le nom d’onagre, c’est-à-dire âne sauvage, parce que cet animal, quand il est poursuivi, lance de ses pieds de derrière des cailloux avec assez de force pour briser la poitrine ou fracasser le crâne des chasseurs.

(8) Passons au bélier. On choisit soit un grand sapin, soit un orne, que l’on arme par un bout du fer le plus dur, façonné en tête de bélier, ce qui a fait donner à la machine le nom de cet animal. Le bélier est horizontalement suspendu par des chaînes à une grosse poulie placée au-dessus, et soutenue elle-même en l’air par de longues jambes de force. Tout l’appareil est recouvert de madriers, revêtus de lames de fer. Les chaînes de suspension sont assez longues pour donner beaucoup de ballant à l’arbre, suspendu en équilibre. Le mouvement de va-et-vient est imprimé par un nombre d’hommes proportionné à la longueur totale du bélier. Cette multitude de bras, par une manœuvre incessante, après avoir poussé la masse en arrière, la ramène vivement en avant. Dès que le branle parcourt assez de champ pour que la tète du bélier atteigne le mur, elle y imprime des chocs répétés dont la violence s’accroît sans cesse, à l’imitation de l’animal, qui se dresse pour donner plus de force à son coup de tête. Par ses coups redoublés, pareils à ceux de la foudre,