Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/350

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ceste. Mais le mal prit le dessus ; son corps se couvrit de taches livides ; et, après une longue agonie, il expira, ayant accompli la cinquante-cinquième année de son âge et la douzième de son règne, à trois mois près.

Chapitre VII

(1) Avant de tracer le portrait de ce prince, j’ai besoin de jeter, comme je l’ai fait ailleurs, un rapide coup d’œil sur la vie de son père. Je veux ensuite parcourir fidèlement les divers traits du caractère du fils, composé de vertus et de vices, dont les derniers furent développés chez lui par le rang suprême. Toujours l’exercice du pouvoir met à nu le fond de l’âme.

(2) Le premier Gratien naquit à Cibalae en Pannonie, d’une famille obscure. On lui donna dès sa jeunesse le surnom de Cordier, parce qu’un jour qu’il portait une corde à vendre, cinq soldats firent d’inutiles efforts pour la lui arracher, bien qu’il n’eût pas encore atteint toute sa croissance. Il eût soutenu le parallèle avec Milon de Crotone, qui s’amusait à tenir, n’importe de quelle main, une pomme qu’aucune force humaine ne pouvait lui arracher.

(3) Gratien se fit bientôt distinguer par cette vigueur corporelle, et par son adresse à l’exercice de la lutte militaire. Il devint successivement protecteur et tribun, puis obtint le titre de comte à l’armée d’Afrique. Il quitta ensuite le service, sous l’imputation d’un détournement de deniers, et ne fut employé de nouveau que longtemps après en Bretagne, province dont il eut le commandement militaire au même titre. Il rentra ensuite dans ses foyers avec un congé honorable. Dans la retraite où il vivait loin du bruit et des affaires, il encourut, de la part de Constance, la confiscation de ses biens, pour avoir, pendant la guerre civile, donné l’hospitalité à Magnence, qui passait sur ses terres.

(4) Dès que Valentinien, doublement recommandé par son propre mérite et par le souvenir de son père, eut été décoré de la pourpre impériale à Nicée, il se hâta d’associer à son pouvoir son frère Valens, caractère mixte, où le bien et le mal se trouvaient en égale mesure, ainsi que nous le ferons voir en son lieu, mais auquel il était uni par l’affection la plus cordiale, autant que par les liens du sang.

(5) Éprouvé par les périls et l’adversité, Valentinien ne s’endormit pas sur le trône. Aussitôt après son avènement, il visita les forteresses et les ouvrages de défense qui garnissaient le cours des fleuves ; puis il se rendit dans les Gaules. Ces contrées se trouvaient de nouveau livrées aux incursions des Alamans, dont la mort de Julien, seul nom qui leur eût imposé depuis Constant, réveillait l’ardeur belliqueuse.

(6) Valentinien sut se faire également redouter par l’extension qu’il donna aux forces militaires du pays, et par les hautes forteresses et les châteaux dont il borda toute la rive du Rhin ; l’ennemi ne pouvait plus franchir le fleuve sans que sa présence ne fût aussitôt, et partout, signalée.

(7) Passons en revue, sans nous astreindre à une minutieuse exactitude, les nombreux faits d’armes où il se montra capitaine consommé, et les restitutions faites à l’empire par sa valeur personnelle ou l’habileté de ses lieutenants. Au moment où il venait de partager le trône avec son fils Gratien, un jeune roi alaman, Vithicabius, fils de Vadomaire, à peine adolescent, remuait son peuple, et poussait les autres tribus à la guerre. Valentinien le fit assassiner, ne pouvant s’en défaire à force ouverte. À Solicinium, où il pensa périr dans une embuscade des Alamans, il écrasa presque entièrement leur