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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/351

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que entièrement armée. Le peu qui eut la vie sauve ne le dut qu’à une prompte fuite, protégée par les ombres de la nuit.

Son adresse brilla contre les Saxons, devenus si redoutables par leurs descentes aventureuses. Ces pirates avaient osé pénétrer dans l’intérieur des terres, et s’étaient, sans coup férir, enrichis des dépouilles du pays. Valentinien les détruisit à leur retour, en leur arrachant leur butin, mais par un moyen que la morale réprouve, si la politique peut le justifier.

Ravagée en tous sens par des bandes ennemies, la Bretagne était réduite aux abois. Il extermina jusqu’au dernier de ces brigands, et la province retrouva la liberté, le repos, et le droit de compter sur l’avenir. Il ne fut pas moins heureux contre Valentin, Pannonien réfugié, qui tentait d’y faire renaître les troubles. Ce mal fut étouffé dans son germe.

Il mit fin à la tourmente qui déchirait l’Afrique, lorsque Firmus, excédé de l’avide et insultante oppression de nos chefs militaires, leva l’étendard de la révolte, entraînant avec lui toute l’inquiète population des Maures.

Il eût sans doute aussi tiré vengeance complète du ravage de l’Illyrie si la mort ne fût venue le surprendre au milieu de ses succès.

C’est, à la vérité, par l’entremise d’officiers du premier mérite que furent obtenus la plupart des grands résultats que je viens d’énumérer. Mais il n’en est pas moins constant que ce prince, génie actif, et d’une expérience militaire consommée, fit considérablement par lui-même. L’exploit dont il eût tiré le plus d’honneur, si l’événement eût répondu à l’habileté de ses combinaisons, eût été la capture de Macrin vivant ; et la mortification de voir avorter son entreprise fut d’autant plus amère, quand il apprit que ces mêmes Burgondes, qu’il avait tout fait pour mettre en opposition avec les Alamans, avaient donné asile au fugitif.

VIII. Après cet exposé sommaire des actes de la vie de prince, je vais jeter un coup d’œil également rapide sur son caractère, en commençant par ce qu’il présente de répréhensible. C’est une appréciation que je livre avec confiance à la postérité, dont les jugements ne sont suspects ni de faveur ni de crainte.

Valentinien chercha souvent à se couvrir du masque de la douceur, bien qu’une certaine chaleur du sang le portât aux actes de violence, et lui fît souvent oublier que pour qui gouverne tout extrême est un écueil. Il ne sut jamais contenir la répression dans de justes bornes. On l’a vu multiplier lui-même les phases de la torture ; donner l’ordre de recommencer sur tel patient, qui déjà l’avait subie presque jusqu’à la mort. Punir était tellement une jouissance pour lui, qu’il ne lui est pas arrivé de faire une seule fois remise de la peine capitale. Les princes les plus cruels pourtant se sont parfois adoucis jusque-là. La clémence et l’humanité sont sœurs de la vertu, suivant la définition des sages ; et les exemples à suivre ne lui manquaient ni dans nos annales ni dans l’histoire étrangère. Je n’en citerai que deux. Le puissant monarque Artaxerxès, que la longueur d’un de ses bras a fait nommer Macrochire[1], voulant diminuer en Perse l’atrocité des supplices, faisait trancher aux coupables la tiare au lieu de la tête, et réduire l’amputation si fréquente des

  1. Longue main.