Page:Marguerite de Navarre - Deux farces inédites, éd. Lacour, 1856.djvu/27

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et humains

   Vous retirer, et fere change
   D'un vray père à un père estrange,
   Et de propre mère tant chère
   Permuter à une estrangère?
   Ou, pour mieulx dire, voulez-vous,
   Pour des parens bégnins et doux,
   Des maistres et maistresses rudes?
   Et achapter ces servitudes,
   Vous qui meritez qu'on vous serve,
   Fille de maison, non point serve?
   Certes, charité chrétienne
   Rompit la coustume ancienne,
   D'esclaves et serfs qu'on avoit,
   Fors que les marques on en voit
   Encor en quelque région;
   Mais soubs nom de religion,
   Ce monde fol, en son cerveau,
   A trouvé ung germe nouveau
   De servitude: on n'y permect
   Sinon ce que la reigle y mect:
   Quelque bien qu'on vous donne et baille.
   C'est au proffict de la canaille!
   Troys pas allez vous promener,
   Soudain vous feront retourner,
   Comme si la fuycte aviez prise
   Pour avoir vostre mère occise!
   Et afin qu'on congnoisse mieulx
   La servitude desdits lieux,
   Il fault que là soit despoillee
   La robe des parens baillee;
   Et à la mode qu'on traictoit
   Jadis les serfs qu'on achaptoit,
   Ils changent (qui est grant mespris!)
   Le nom qu'au baptesme on a pris:
   De sorte que pour Pierre ou Blaise,
   Fault avoir nom Jehan ou Nicaise:
   Jacques aura des qu'il fut né
   À Jésus-Christ son nom donné;
   Et quant cordelier se rendra
   Le nom de François il prendra!
   Souldart qui laisse la livrée
   Que son seigneur luy a livrée
   Semble renoncer à son maistre,
   Et sainct homme nous pensons estre
   Celuy qui une robbe vest,
   Laquelle Jésus-Christ, qui est
   Seigneur de tous, point ne lui donne:
   Et s'il despoille et habandonne
   L'habit que d'ailleurs il a prins,
   Il en sera plus fort reprins