Page:Marguerite de Navarre - Lettres, éd. Génin, 1841.djvu/102

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NOTICE

la même apparition affligea encore son soinmeil. Cette fois elle presse, elle insiste. On lui répond que le Roi va bien. Il y avait quinze jours qu’il était mort" ; on reculait de l’en instruire:ses alarmes ne furent point dissipées. Elle voulut aller à l’église ; c’était dans ses chagrins sa ressource accoutumée. Auparavant elle appelle Thomas Coustelier, son secrétaire ; tandis qu’elle lui parle d’une lettre à écrire à quelqu’un de la cour pour avoir des nouvelles, elle entend pleurer et se lamenter à l’autre bout du cloître; elle y court. C’était une pauvre religieuse privée de raison, qu’on laissait errer en liberté, parce que sa folie était sans méchanceté : « Qu’avez-vous à gémir, ma sœur Hélas ! madame, c’est votre fortune que je déplore. » Aussitôt Marguerite se tournant vers ceux qui la suivaient : « Vous me céliez, ditelle,

la mort du Roy ; mais l’esprit de Dieu par cette folle me l’a révélée. » « Cela dict, remonte en « sa chambre, et sans faire aucun acte de femme, « se mit à genoils, et très-humblement remercia « le Seigneur de tous les biens qu’il luy plaisoit « faire ?. » Mais le coup était porté au cour, et malgré cette résignation chrétienne, la nature ne I Sainte-Marthe, Oraison funèbre, p. 103 et suiv. s Sainte-Marthe, page 104.