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SUR MARGUERITE D’ANGOULÊME.

SUR MARGUERITE D’ANGOULEME. contentait de recueillir à droite, à gauche, le plus souvent dans ses propres souvenirs, des aventures piquantes, ou de simples bons mots, dont elle s’appliquait à faire des récits en style coulant, d’une élégance peu ornée, cherchant tant qu’elle pouvait à imiter Boccace, car en ce temps-là le Décaméron, nouvellement traduit, obtenait à la cour de François ſer un succès de vogue.

Mais ce que n’ont fait Boccace, ni Marmontel, ni leurs nombreux imitateurs, ce à quoi la reine de Navarre ne manque jamais, c’est de tirer de ses contes une moralité qui en est la glose et souvent dégénère en véritable sermon, en sorte que chaque histoire n’est, à vrai dire, que la préface d’une homélie. Marguerite a un talent admirable pour parler de piété à propos d’une aventure amoureuse. Les infidélités des femmes et des maris, les fautes ou les crimes suggérés par la passion, tout cela lui sert de texte à des réflexions graves, parfois sévères. Elle tire de la fragilité humaine la preuve qu’il faut se défier toujours de ses forces, et par conséquent implorer sans cesse le secours d’en haut, sans lequel notre sagesse d’ici-bas n’est que folie. « Il n’y a, dit-elle, de force qu’en Dieu. >>

Cette habitude de ramener tout à la piété forme le caractère essentiel du livre ; chaque page,