Page:Marguerite de Navarre - Lettres, éd. Génin, 1841.djvu/152

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NOTICE

appliqué à la religion. Les uns traitent l’amour de Dieu comme les autres la galanterie ; les entretiens de Fénelon et de madame Guyon ne devaient pas être moins sophistiqués, que ceux du duc de Guiche et de madame de Brissac : passion pour le Créateur, passion pour la créature, voilà toute la différence ; mettez une soutane à Voiture, vous aurez Guillaume Briçonnet ; du reste, même ridicule et souvent même langage ; mêmes métaphores spirituelles, ou sensuelles, qui pis est. « Faites en sorte, dit Marguerite à « son directeur, que vostre vieille mère envieillie « en sa première peau, puisse par ceste douce et « ravissante parole de vie renouveller sa vieille « peau, et estre tellement repolie, arrondie et « blanchie, qu’elle puisse estre au seul nécessaire. » Peut-on s’inquiéter de son salut en termes plus galants ?

Cela est d’un goût détestable, j’en demeure d’accord, mais cela prouve au moins que la duchesse d’Alençon n’était pas sceptique, et qu’elle ne raillait point sur les matières religieuses. Avec du penchant à l’ironie philosophique, une femme d’esprit comme elle aurait vu tout de suite le côté plaisant de ce style, et s’en fût préservée. Sa bonne foi nous répond de sa foi. Il fallait que Marguerite eût reçu de la nature