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SUR MARGUERITE D’ANGOULÊME.

SUR MARGUERITE D’ANGOULÊME. une grande solidité de jugement, un bon sens exquis, pour n’avoir pas été gâtée à jamais par cette longue fréquentation d’un rhéteur de la force de Guillaume Briconnet. La sage indépendance qui faisait la base de son caractère et de son esprit, la préserva des suites de cette imitation à laquelle elle s’était efforcée de se plier pendant deux ans. On ne trouve aucun vestige de cette manière ni dans ses Nouvelles, qu’elle avait déjà commencé d’écrire, ni dans ses autres lettres, dont le Recueil, publié aujourd’hui pour la première fois, offre enfin un monument authentique du style en prose de la reine de Navarre. Si la piété d’éditeur ne m’abuse, ce style ne sera pas trouvé au-dessous de la réputation traditionnelle de l’auteur ; à condition toutefois qu’on n’y cherchera pas les qualités des bons écrivains modernes. Il faut se souvenir que la reine de Navarre écrivait dans la première moitié du xvie siècle, et que, même du xviie à la fin du xviue, il s’est opéré dans le style une révolution complète, dont Voltaire a été le principal auteur. Pascal, Bossuet, Fénelo : ne se font point faute de déployer leur phrase à l’aide des qui, des que, jusqu’à ce que cette phrase enveloppe et contienne la pensée tout entière. Voltaire s’est appliqué à dégager le style de ces