Page:Marguerite de Navarre - Lettres, éd. Génin, 1841.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
134
NOTICE

embarras réels ou prétendus ; ses phrases sont courtes, ont peu d’incises, sont limpides et rapides ; la pensée ne s’y renferme plus ; qu’importe ? Voltaire brise la pensée, et la loge ainsi divisée dans deux ou trois phrases, que le point ne borne plus strictement comme il faisait jadis. Cette école de style a prévalu. On rirait aujourd’hui d’un écrivain qui se permettraitcertaines phrases qu’on rencontre à chaque pas dans les Provinciales ou dans le Discours sur l’histoire universelle. Le procédé de Voltaire est plus favorable au mouvement, à la légèreté, à l’élégance ; il est plus original, plus séduisant. Mais n’est-ce pas aux dépens de la majesté et du nombre ? J.-J. Rousseau semble l’avoir pensé, lui, dont la phrase savante et périodique est évidemment étudiée sur les modèles du XVIIe siècle.

Ce n’est ici qu’une observation de fait, et point un jugement. Au surplus, on sait bien que c’est la convenance entre le fond et la forme qui fait le mérite de l’application de tel ou tel système. Je n’en parle que par rapport à la reine de Navarre, et parce que elle aussi emploie ce style qui, suivant une métaphore à la mode, habille richement la pensée, et la drape à grands plis. Au xviº siècle la langue n’était nullement constituée. C’était une matière molle, diverse, incer- 2