Page:Marguerite de Navarre - Lettres, éd. Génin, 1841.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
135
SUR MARGUERITE D’ANGOULÊME.

SUR MARGUERITE D’ANGOULÊME. taine, se laissant complaisamment pétrir au génie de chaque écrivain, reproduisant dans ses moindres détails et conservant à une grande profondeur l’empreinte de chaque originalité. Brantôme, Rabelais et Montaigne parlent chacun une langue merveilleuse ; mais ces trois langues n’ont pour ainsi dire rien de commun entre elles. Chacun d’eux a composé la sienne en s’appropriant, en assimilant à sa nature ce qui lui convenait, soit dans les langues mortes de l’antiquité, soit dans les langues vivantes contemporaines ; et ces éléments, après la fusion générale, ne peuvent se reconnaître, pas plus qu’on ne peut démêler dans le miel les poussières des différentes fleurs dont il se forme. La facilité des inversions, dont Marguerite fait un emploi si fréquent, était encore une ressource aujourd’hui perdue. Au xviº siècle enfin, la langue se faisait avec le secours de la logique ; au xixº, il n’est plus question que de la conserver par l’usage, c’est-à-dire par le bon usage.

J’ai cru que ces réflexions ne sembleraient pas déplacées ici, et que peut-être elles aideraient à faire apprécier équitablement le style de la reine de Navarre. Et lorsqu’on en aura bien observé les allures et les caractères, qu’on relise les contes de Marguerite, fùt ce dans l’édition d’Amsterdam,