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LETTRES INÉDITES

LETTRES INÉDITES Maisj’ay bon espoir qu’avant peu, ceste fatale issue de la bataille, quelle qu’en soit la cause, nous deviendra uve occasion de féliciter et vous et vostre France autant que l’Empereur luy mesme. Si grand ouvrier est celuy qui dans ses conseils secrets regle les affaires d’ici bas, et souvent quand nos malheurs semblent consommés, subitement les tourne et achemine aux meilleurs succès. Je treuve cest espoir principalement en la clémence exorable de Dieu, que je pense nous estre desjà devenu propice ; ensuite, partie dans le génie de l’Empereur, dont la bonté égale ou surpasse la

grandeur de sa fortune mesme ; partie en l’adresse merveilleuse du Roy très chrestien. Bien plus, j’ay ceste confiance qu’ils ont formé entre eux un lien d’amitié aussy solide

qu’une chaisne de diamant. L’espérance que j’en ay, a esté fortifiée

par la lettre que, sur le point de son départ pour l’Espagne, vostre altesse a escripte à cest illustre baron polonais, Jean de Lasco. Il demeure avecques moy, et l’amitié a faict entre nous toutes choses communes. En effet, ceste lettre n’annonçoit pas seulement vostre ferme courage à porter

le faix des destins iniques, mais encore récréoit nostre sollicitude par quelques mots de fortuné présage. Si ceste espérance se réalise, nous en féliciterons non seulement l’Empereur et vous, mais toute la chrestienté. J’aurois

icy à vous demander pardon à double tiltre ; d’abord

pour avoir osé de moy mesmes écrire à une si puissante dame, ensuite pour l’avoir faict à l’in promptu, ce que à peine se permet un amy plébéien