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LETTRES INÉDITES

LETTRES INÉDITES compaignie avecques troys femmes ; et au temps que j’ay esté contraincte retourner, n’ay pu avoir allongement de mon saufconduit, sinon ung qui estoit seulement pour trouver occasion de me retenir en leur pays, jusques à la fin de la trefve, et après ne me laisser aller. Cela me contraignit de faire telle diligence, que j’estois tous les jours, ung mois durant, à cheval le plus du temps à six heures du matin, et arrivoys à la nuict au logis. Dieu m’a si bien aydée, que contre leur intention je suis retournée sans aulcun destourbier. Incontinent après mon partement, ils commencèrent de rentrer en praticque, comme avez peu entendre. Nous espérons tous les jours la conclusion qui se debvoit apporter par le mareschal de Montmorency, dont il y aura tantost ung moys que nous n’ouysmes nouvelles, quy met toute ceste compaignie en grant paine. Le tout est que je laissay le Roy faisant, Dieu mercy, très bonne chère’, et commençant bien à se fortifier, ayant délibéracion de prendre toutes choses selon qu’il plairoit à Dieu les luy envoyer. Je vous promets que je l’ay veu en telle extrémité de maladie et si bas, que je vous puis dire que tout le monde, fors moy sculement, estoit désespéré de sa vie. Nostre Seigneur luy a rendu sa santé et j’espère que aussy fera-il la liberté, dont de tout son cueur le supplie, et vous avoir en sa très saincte garde, de Rossillon, le xinje jour de janvier, Vostre bonne mestraisse, MARGUERITE. . Très-bien portant, ayant bonne mine.