Page:Marguerite de Navarre - Lettres, éd. Génin, 1841.djvu/94

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NOTICE

(C ( « frais, ne se soit esmenë aussitost que vous avez « esté sur elle. Et si vous ne l’avez senty à cause « de l’espaisseur de la tombe, ne faut doubter qu’en soy ne se soit esmenë et ressentie. Et d’au<< tant

que c’est ung pieux office d’avoir souve «  nance des trespassés, et même de ceulx que l’on a aimés, je vous prie luy donner ung Pater noster, ung Ave Maria et ung De profundis, et l’arGrousez d’eau béniste ; et vous acquerrez le renom « de très fidèle amant et d’un bon chrestien. Je « vous lairray donc pour cela, et pars ?. » Il y a bien de l’imagination dans cette scène, qui se passe, sans témoins, au fond d’une église, entre un jeune et brillant capitaine et une reine détrompée du monde et de ses illusions fugitives, celle-ci réclamant de l’autre un De profundis pour une maîtresse oubliée, si oubliée qu’elle avait pu mourir à l’insu de son amant. La simplicité des paroles en rehausse la solennité. Quelle vive poésie dans ces mots : Si vous ne l’avez senty à cause de l’espaisseur de la tombe !… Quoi ! une pierre sépulcrale suffit pour intercepter toute communication entre deux âmes naguères si étroitement unies ! ô misère et imperfection de la nature humaine, qu’un si grand avantage ait été donné à la matière sur l’intelligence ! BRANTÔNE, Dames galantes. cinquième discours.