Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/180

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de moi, et me prenant la main : Tu m’aimerais encore mieux que ma succession, n’est-il pas vrai, ma fille ? Mais ne t’alarme point, me dit-elle ; ce n’est qu’une précaution que j’ai prise. Non, madame, lui dis-je en faisant un effort, votre fils n’est pas mort, et vous le reverrez, je l’espère.

En cet instant, nous entendîmes quelque bruit dans la salle. C’étaient deux dames d’un château voisin, qui venaient voir Mme Dursan ; et je me sauvai pour n’être point vue dans l’état où j’étais.

Il fallut cependant me montrer un quart d’heure après. Elles venaient inviter Mme Dursan à une partie de pêche qui se faisait le lendemain chez elles ; et comme elle s’en excusa sur ses indispositions, elles la prièrent du moins de vouloir bien m’y envoyer, et tout de suite demandèrent à me voir.

Mme Dursan, qui leur promit que j’y viendrais, me fit avertir, et je fus obligée de paraître.

Ces deux dames, toutes deux encore jeunes, dont l’une était fille et l’autre mariée, étaient aussi, de toutes nos aimes, celles avec qui je me plaisais le plus, et qui avaient le plus d’amitié pour moi ; il y avait dix ou douze jours que nous ne nous étions vues. Je vous ai dit que mes inquiétudes m’avaient beaucoup changée, et elles me trouvèrent si abattue, qu’elles crurent que j’avais été malade. Non, leur dis-je ; tout ce que j’ai, c’est que depuis quelque temps je dors assez mal ; mais cela reviendra. Là-dessus, Mme Dursan me regarda d’un air attendri, et que l’entendis bien ; c’est qu’elle s’attribuait mon insomnie.