Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/182

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donc, puisque tu as voulu rester. Je vous assure que je serais partie, si je n’avais pas cru être malade, lui répondis-je d’un air ingénu. Et moi, me dit-elle, je t’assure que j’irai partout où l’on m’invitera, puisque tu n’es pas plus raisonnable. Eh ! mais, sans doute, vous irez partout, repris-je ; j’y compte bien, vous ne serez pas toujours indisposée ; et en tenant de pareils discours, nous arrivâmes dans sa chambre.

Nombre de petites choses pareilles à celles que je vous dis là, et dans lesquelles elle devinait toujours mon intention, de quelque manière que je m’y prisse, m’avaient tellement gagné son cœur, qu’elle m’aimait autant que la plus tendre des mères aime sa fille.

Dans ces entrefaites, la plus ancienne des deux femmes de chambre qu’elle avait, vieille fille qui avait toute sa confiance, et qui la servait depuis vingt-cinq ans, tomba malade d’une fièvre signe qui l’emporta en six jours de temps.

Mme Dursan en fut consternée ; il est vrai qu’à l’âge où elle était, il n’y a presque point de perte égale à celle-là.

C’est une amie d’une espèce unique que la mort vous enlève en pareil cas, une amie de tous les instants, à qui vous ne vous donnez pas la peine de plaire ; qui vous délasse de la fatigue d’avoir plu aux autres ; qui n’est, pour ainsi dire, personne pour vous, quoiqu’il n’y ait personne qui vous soit plus nécessaire ; avec qui vous êtes aussi rebutante, aussi petite d’humeur et de caractère que vous avez quelquefois besoin de l’être, avec qui vos infirmités les plus humiliantes ne