Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/397

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aimer de monsieur, qui vient de me faire une déclaration d’amour.

Cela ne vaut rien, lui dis-je, c’est de la fausse monnaie que cette fortune-là, ne vous chargez point de pareille marchandise, et gardez la vôtre : Tenez, quand une fille s’est vendue, je ne voudrais pas la reprendre du marchand pour un liard.

Je lui tins ce discours parce que, dans le fond, je l’aimais toujours un peu, et que j’avais naturellement de l’honneur.

Tu as raison, me dit-elle, un peu déconcertée des sentiments que je lui montrais ; aussi ai-je tourné le tout en pure plaisanterie, et je ne voudrais pas de lui quand il me donnerait tout son bien.

Vous êtes-vous bien défendue, au moins, lui dis-je, car vous n’étiez pas fort courroucée quand vous êtes revenue. C’est, reprit-elle, que je me suis divertie de tout ce qu’il m’a dit. Il n’y aura pas de mal une autre fois de vous en mettre un peu en colère, répondis-je, cela sera plus sûr que de se divertir de lui ; car à la fin il pourrait bien se divertir de vous : En jouant, on ne gagne pas toujours, on perd quelquefois, et quand on est une fois en perte, tout y va.

Comme nous étions sur l’escalier, nous ne nous en dîmes pas davantage : elle rejoignit sa maîtresse, et moi mon petit maître qui faisait un thème, ou plutôt à qui son précepteur le faisait, afin que la science de son écolier lui fît honneur, et que cet honneur lui conservât son poste de précepteur, qui était fort lucratif.