Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/398

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Geneviève avait fait à l’amour de son maître plus d’attention qu’elle ne me l’avait dit.

Ce maître n’était pas un homme généreux, mais ses richesses, pour lesquelles il n’était pas né, l’avaient rendu glorieux, et sa gloire le rendait magnifique. De sorte qu’il était extrêmement dépensier, surtout quand il s’agissait de ses plaisirs.

Il avait proposé un bon parti à Geneviève, si elle voulait consentir à le traiter en homme qu’on aime : elle me dit même, deux jours après, qu’il avait débuté par lui offrir une bourse pleine d’or, et c’est la forme la plus dangereuse que puisse prendre le diable pour tenter une jeune fille un peu coquette, et, par-dessus le marché, intéressée.

Or, Geneviève était encline à ces deux petits vices-là : ainsi, il aurait été difficile qu’elle eût plaisanté de bonne foi de l’amour en question ; aussi ne la voyais-je plus que rêveuse, tant la vue de cet or, et la facilité de l’avoir la tentaient, et sa sagesse ne disputait plus le terrain qu’en reculant lâchement.

Monsieur (c’est le maître de la maison dont je parle) ne se rebuta point du premier refus qu’elle avait fait de ses offres ; il avait pénétré combien sa vertu en avait été affaiblie ; de sorte qu’il revint à la charge encore mieux armé que la première fois, et prit contre elle un renfort de mille petits ajustements, qu’il la força d’accepter sans conséquence ; et des ajustements tout achetés, tout prêts à être mis, sont bien aussi séduisants que l’argent même avec lequel on les achète.

De dons en dons toujours reçus, et donnés sans conséquence,