Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/430

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de l’air rustique que j’y avais apporté ; je marchais d’assez bonne grâce ; je portais bien ma tête, et je mettais mon chapeau en garçon qui n’était pas un sot.

Enfin j’avais déjà la petite oie de ce qu’on appelle usage du monde ; je dis du monde de mon espèce, et c’en est un. Mais c’étaient là tous mes talents, joint à cette physionomie assez avenante que le ciel m’avait donnée, et qui jouait sa partie avec le reste.

En attendant mon départ de Paris, dont je n’avais pas encore fixé le jour, je me mis dans une de ces petites auberges à qui le mépris de la pauvreté a fait donner le nom de gargote.

Je vécus là deux jours avec des voituriers qui me parurent très grossiers ; et c’est que je ne l’étais plus tant, moi.

Ils me dégoûtèrent du village. Pourquoi m’en retourner ? me disais-je quelquefois. Tout est plein ici de gens à leur aise, qui, aussi bien que moi, n’avaient pour tout bien que la Providence. Ma foi ! restons encore quelques jours ici pour voir ce qui en sera ; il y a tant d’aventure dans la vie, il peut m’en échoir quelque bonne ; ma dépense n’est pas ruineuse ; je puis encore la soutenir deux ou trois semaines ; à ce qu’il m’en