Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/81

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esprit que vous avez ; mais il faut regarder que je ne suis pas encore à vous, monsieur ; et nous ne serons pas plutôt mariés, qu’il y aura des gens qui le trouveront mauvais, qui feront des railleries sur ma naissance inconnue, et sur mon peu de fortune. Serez-vous insensible à ce qu’ils diront ? Ne serez-vous pas fâché de ne vous être allié à aucune famille, et de n’avoir pas augmenté votre bien par celui de votre épouse ? C’est à quoi il est nécessaire que vous songiez mûrement, de même que je songerai à ce qu’il m’en arriverait à moi, si vous alliez vous repentir de votre précipitation. Et puis, monsieur, quand tous ces motifs de réflexion ne m’arrêteraient pas, je n’aurais encore actuellement que la liberté de vous marquer ma reconnaissance, et ne pourrais prendre mon parti sans savoir la volonté de Mme de Miran. Je suis sa fille, et même encore plus que sa fille ; car c’est à son bon cœur à qui j’ai l’obligation de l’avoir pour mère, et non pas à la nature. C’est ce bon cœur qui a tout fait, de sorte que le mien doit lui donner tout pouvoir sur moi ; et je suis persuadée que vous êtes de mon avis. Ainsi, monsieur, je l’informerai de la générosité de vos offres, sans pourtant lui dire votre nom, à moins que vous ne me permettiez de vous faire connaître.

Oh ! vous en êtes la maîtresse, mademoiselle, répondit-il ; je me soucie si peu que vous me gardiez le secret, que je serai le premier à me vanter du dessein que j’ai de vous épouser, et je, prétends bien que les gens raisonnables ne feront que m’en estimer