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QUATRIÈME PARTIE


Je ris en vous envoyant ce paquet, madame. Les différentes parties de l’histoire de Marianne se suivent ordinairement de fort loin. J’ai coutume de vous les faire attendre très longtemps ; il n’y a que deux mois que vous avez reçu la troisième, et il me semble que je vous entends dire : Encore une troisième partie ! a-t-elle oublié qu’elle me l’a envoyée !

Non, madame, non : c’est que c’est la quatrième ; rien que cela, la quatrième. Vous voilà bien étonnée, n’est-ce pas ? voyez si je ne gagne pas à avoir été paresseuse : peut-être qu’en ce moment vous me savez bon gré de ma diligence, et vous ne la remarqueriez pas si j’avais coutume d’en avoir.

À quelque chose nos défauts sont bons. On voudrait bien que nous ne les eussions pas ; mais on les supporte, et on nous trouve plus aimables de nous en corriger quelquefois, que nous ne le paraîtrions avec les qualités contraires.

Vous souvenez-vous de M. de … ? C’était un grondeur éternel, et d’une physionomie à l’avenant. Avait-il un quart d’heure de bonne humeur, on l’aimait plus dans ce quart d’heure qu’on ne l’eût aimé pendant toute une année, s’il avait toujours été agréable : de mémoire d’homme on n’avait vu tant de grâces à personne.

Mais commençons cette quatrième partie ; peut-être avez-vous besoin de la lire pour la croire ; et avant de continuer mon récit, venons au portrait de ma bienfaitrice, que je vous ai promis, avec celui de la dame qu’elle a amenée, et à qui dans la suite j’ai eu des obligations dignes d’une reconnaissance éternelle.

Quand je dis que je vais vous faire le portrait de ces deux