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Qui m’aurait vue m’aurait crue triste ; et dans le fond je ne l’étais pas, je n’avais que l’air de l’être, et à me définir je n’étais qu’attendrie.

Je soupirais pourtant comme une personne qui aurait eu du chagrin ; peut-être même croyais-je en avoir, à cause de la disposition des choses : car enfin, j’aimais un homme auquel il ne fallait plus penser ; et c’était la un sujet de douleur : mais, d’un autre côté, j’en étais tendrement aimée de cet homme ; et c’est une grande douceur : avec cela on est du moins tranquille sur ce qu’on veut ; on a les honneurs essentiels d’une aventure, et on prend patience sur le reste.

D’ailleurs, je venais de m’engager à quelque chose de si généreux ; je venais de montrer tant de raison, tant de franchise, tant de reconnaissance, de donner une si grande idée de mon cœur, que ces deux dames en avaient pleuré d’admiration pour moi. Oh ! voyez avec quelle complaisance je devais regarder ma belle âme, et combien de petites vanités intérieures devaient m’amuser et me distraire du souci que j’aurais pu prendre.

Mais venons aux suites de cet événement, et passons au lendemain.

Sans doute que ma lettre fut exactement rendue à Valville. C’était à onze heures du matin que je l’attendais au couvent, et il ne manqua pas d’y arriver à l’heure précise.

La première fois qu’il m’y avait vue, à ce qu’il m’a dit depuis, il avait cru nécessaire de se travestir, par deux raisons. L’une était qu’après l’insulte qu’il m’avait faite, je refuserais de lui parler, s’il me demandait sous son nom l’autre, que l’abbesse voudrait peut-être savoir ce qui l’amenait, et qui il était, avant que de me permettre de le voir ; au lieu que toutes ces difficultés n’y seraient plus, dès qu’il paraîtrait sous la figure d’un domestique, qui venait même de la part de madame de Miran : car c’était une précaution qu’il avait prise.

Mais cette fois-ci il comprit bien par la teneur de mon billet, qui était simple, que je le dispensais de tout déguisement, et qu’il n’en était pas besoin.