Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/22

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petits sentiers invisibles et cachés sous le feuillage. Aussi était-il de très bonne foi quand il disait, à propos du dialogue de ses comédies, que ce dialogue est partout l’expression simple des mouvements du cœur. C’était là en effet sa simplicité et sa bonhomie de chaque jour. Il n’était pas plus naturel que cela. Cette langue qu’il faisait parler à ses héros, il la parlait lui-même : son ramage ressemblait tout à fait à son plumage, pour parler comme le Fabuliste. Mais si le naturel comme l’entendent les grands maîtres perdait quelque chose à passer par l’esprit et par le style de Marivaux, les plus simples et les plus touchants mouvements ne perdaient rien à passer par son cœur. Quand il le fallait absolument, il était tendre, naïf, il était même éloquent, il s’élevait même jusqu’à la vérité : alors il écrivait et il parlait comme les vraiment grands écrivains. Il est vrai que ces beaux moments-là sont rares dans les écrits de Marivaux. Ce qui lui plaît, à lui, c’est non pas d’arracher des pleurs et des soupirs à son auditoire, mais de le faire sourire doucement. Il aime mieux que le parterre se mette à deviner sa comédie qu’à s’y intéresser. Qu’on l’applaudisse avec transport, peu lui importe, pourvu qu’on l’écoute avec plaisir. Et comme en même temps cet habile artiste a le grand art de faire croire à celui qui l’écoute qu’il est de moitié dans l’esprit que Marivaux fait à lui tout seul, il est arrivé que, pendant trente années, l’auteur des Fausses Confidences a régné en maître souverain sur le théâtre qu’il avait choisi. Ce succès continu et populaire d’un homme qui se fait écouter en parlant par énigmes, qui amuse si longtemps les plus beaux esprits du siècle le plus difficile en fait de bel esprit, avec des dissertations sur les replis inconnus de l’amour ; bien plus, le bonheur de cet écrivain, de ce poète comique