Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/229

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donner le cœur de Valville ; si elle hésitait, elle n’exposerait pas ce jeune homme à tous mes appas ; n’est-il pas vrai ?

C’est aussi ce que je pense en m’habillant, et j’ai bien du plaisir à le penser ; mes grâces s’en ressentiront, j’en aurai le teint plus clair et les yeux plus vifs.

Mais me voilà prête, une heure va sonner, j’attends madame de Miran ; et pour me désennuyer en l’attendant, je vais de temps en temps me regarder dans mon miroir, retoucher à ma coiffure qui va fort bien, et à laquelle pourtant, par une nécessité de geste, je refais toujours quelque chose.

On ouvre ma porte ; madame de Miran vient d’arriver, on m’en avertit, et je pars ; son fils était à la porte du couvent, et il me donna la main jusqu’au carrosse où ma bienfaitrice était restée.

Je ne vous dis pas que quelques sœurs converses que je trouvai sur mon chemin, en descendant de chez moi, me parurent surprises de me voir si jolie. Jésus ! mignonne, que vous êtes belle s’écrièrent-elles avec une simplicité naïve à laquelle je pouvais me fier.

Je vis Valville prêt à s’écrier à son tour ; il se retint : la tourière était présente, et il ne s’expliqua que par un serrement de main que j’approuvai d’un petit regard qui n’en fut que plus doux pour être timide.

M. de Climal ne se porte pas bien, me dit-il dans le trajet ; il a un peu de fièvre depuis deux jours. Tant pis, répondis-je, je ne lui veux point de mal, et il faut espérer que ce ne sera rien ; là-dessus nous arrivâmes au carrosse.

Allons, monte, Marianne, me dit ma bienfaitrice ; hâtons-nous, il se fait tard : et je montai.

Tu es fort bien, ajouta-t-elle en m’examinant ; fort bien. Oui, dit Valville avec un souris ; grâce à sa beauté et à sa figure, elle est on ne peut pas mieux.

Écoute, Marianne, reprit madame de Miran, tu sais que nous allons dîner chez madame Dorsin ; il y aura du monde, et nous sommes convenues toutes deux que je t’y mènerais comme la fille d’une de mes meilleures amies qui est morte,