Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/261

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ma santé feraient à ce vieux pécheur confondu et agonisant. Je me trouvais trop vengée, et j’en rougissais d’avance.

Ce ne fut pas lui que j’aperçus d’abord ; ce fut le père Saint-Vincent, qui était au chevet de son lit, et au-dessous duquel était assise madame de Miran, qui me tournait le dos.

À cet aspect, surtout à celui du père Saint-Vincent, que je surpris bien autant qu’il me surprit, je n’osai plus me croire à l’abri de rien, et me voilà retombée dans mes inquiétudes : car enfin, l’autre avait beau être mourant, que faisait là ce bon religieux ? Pourquoi fallait-il qu’il s’y trouvât avec moi ?

Et à propos de ce religieux, de qui, par parenthèse, je ne vous ai rien dit depuis que je l’ai quitté à son couvent ; qui, comme vous savez, m’avait promis de chercher à me placer, et de venir le lendemain matin chez madame Dutour m’informer de ce qu’il aurait pu faire ; vous remarquerez que je lui avais écrit deux ou trois jours après que j’eus rencontré madame de Miran, que je l’avais instruit de mon aventure et de l’endroit où j’étais ; et je l’avais prié d’avoir la bonté de m’y venir voir : à quoi il avait répondu qu’il y passerait incessamment.

J’étais donc, vous dis-je, fort étourdie de le trouver là ; et je n’augurais rien de bon des motifs qu’on avait eus de l’y appeler.

Lui, de son côté, à qui je n’avais point appris dans ma lettre le nom de ma bienfaitrice, et à qui M. de Climal n’avait encore rien dit de son projet, ne savait que penser de me voir au milieu de cette famille, amenée par Valville, qu’il vit venir avec moi, mais qui n’avança pas, et qui se tint éloigné, comme si, par égard pour son oncle, il avait voulu lui cacher que nous étions entrés ensemble.

Au bruit que nous fîmes en entrant, qui est-ce que j’entends ? demanda le malade. C’est la jeune personne que vous avez envie de voir, mon frère, lui dit madame de Miran : approchez, Marianne, ajouta-t-elle toute de suite.