Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/307

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suite je songeai à cette étonnante visite que j’avais reçue la veille de cette parente de madame de Miran, et toutes ces considérations furent suivies d’un peu d’inquiétude.

Qu’est-ce que c’est que ce cocher ? lui dis-je. Je ne l’ai jamais vu à votre maîtresse, mademoiselle. Aussi n’est-il point à elle, me répondit cette femme ; c’est celui d’une dame qui l’est venue voir, et qui a bien voulu le prêter pour me mener à votre couvent. Et pendant ce temps nous avancions. Je ne voyais point encore la rue de madame de Miran, que je connaissais, et qui était aussi celle de la Dutour.

Vous vous ressouviendrez bien que je savais le chemin de chez cette lingère à mon couvent, puisque c’était de chez elle que j’étais partie pour m’y rendre avec mes hardes que j’y fis porter ; et je ne voyais aucune des rues que j’avais traversées alors.

Mon inquiétude en augmenta si fort que le cœur m’en battit. Je n’en laissai pourtant rien paraître ; d’autant plus que je m’accusais moi-même d’une méfiance ridicule.

Arriverons-nous bientôt ? lui dis-je. Par quel chemin nous conduit donc ce cocher ? Par le plus court, et dans un moment nous arrêterons, me répondit-elle.

Je regardais, j’examinais, mais inutilement. Cette rue de la Dutour et de ma mère ne venait point ; et qui pis est, voici notre carrosse qui entre subitement par une grande porte, qui était celle d’un couvent.

Eh ! mon Dieu, m’écriai-je alors, où me menez-vous ? Madame de Miran ne demeure point ici, mademoiselle ; je crois que vous me trompez ; et aussitôt j’entends refermer la porte par laquelle nous étions entrés, et le carrosse s’arrête au milieu de la cour.

Ma conductrice ne disait mot ; je changeai de couleur, et je ne doutai plus qu’on ne m’eût fait une surprise.

Ah ! misérable, dis-je, et quel est votre dessein ? Point de bruit, me répondit-elle ; il n’y a pas si grand mal, et je vous mène en bon lieu, comme vous voyez. Au reste, mademoiselle Marianne, c’est en vertu d’une autorité supérieure